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Rendre obligatoire l’enseignement de l’entrepreneuriat

Guest Blogger | 11 octobre 2016

Texte de : Emily Miller est boursière de Venture for Canada et responsable du succès client à LeadSift, nouvelle entreprise offrant un logiciel en tant que service (SaaS) de suivi des pistes de vente située à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Lorsque j’avais 14 ans, j’étais folle des Beatles, de Jimi Hendrix et de Janis Joplin. J’étais également obsédée par les bonbons. En 10e année, dans mon cours d’entrepreneuriat, le professeur nous a mis au défi de démarrer notre propre entreprise.  J’ai pu conjuguer mes deux passions en créant un magasin de bonbons sur le thème des années 1960! J’ai rédigé un plan d’affaires, créé un logo et réalisé des entrevues de découverte des clients. Ce fut une expérience formidable!

Cette latitude créative totale et cette occasion qui m’a été offerte de mener à bien un projet qui me passionnait ont fait de ce cours ma matière préférée au secondaire tout en m’ouvrant des perspectives entièrement nouvelles.  Grâce à cette formation, à 16 ans j’ai démarré une entreprise de photographie : je vendais mes photos pour financer un voyage en Inde avec Enfants Entraide, ce qui a vraiment été le point de départ de mon cheminement professionnel.

J’ai eu énormément de chance d’avoir la possibilité de suivre des cours d’entrepreneuriat aussi jeune; comme j’ai pu le constater par la suite, ce n’est pas la norme.

Pour certains jeunes, « entrepreneuriat » est un mot totalement inconnu, en particulier s’ils viennent d’une famille dont les membres occupent des emplois traditionnels. L’école pourrait être le seul endroit où certains enfants entendent parler d’entrepreneuriat et à mon avis, en n’enseignant pas ces notions, nous ratons des occasions formidables.

Recommandations de l’Alliance des jeunes entrepreneurs du G20 :

L’une des recommandations clés faites par l’Alliance des jeunes entrepreneurs du G20 dans son communiqué (en anglais) est de rendre l’enseignement de l’entrepreneriat obligatoire pour tous les élèves du primaire et du secondaire. Il s’agit d’un projet titanesque, mais je crois qu’il est très important de favoriser une telle initiative en raison de la croissance qu’elle suscitera pour le pays.

Alors comment devons-nous nous y prendre, concrètement? Comment pouvons-nous nous assurer que les enseignants ne soient pas dépassés par une telle exigence ajoutée à leur charge de travail? Nous avons déjà pu constater l’indignation causée par l’abandon de l’enseignement de l’écriture cursive, alors comment pourrions-nous instaurer un climat propice à l’ajout de l’enseignement des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) à un horaire déjà bien chargé?

Examinons les mesures que prennent d’autres pays du G20 pour résoudre ce problème : 

En Australie, la Foundation for Young Australian’s (FYA) a créé un programme appelé $20 Boss. Elle a formé un partenariat avec la National Australia Bank afin de soutenir ce défi organisé dans les écoles par les enseignants dans le cadre duquel les élèves reçoivent 20 $ pour démarrer une entreprise. À la fin du projet, on encourage les élèves à remettre leurs fonds de démarrage en les bonifiant de 1 $ afin d’assurer la viabilité du programme.

Ce que j’adore de cette initiative, c’est qu’il s’agit d’un programme d’enseignement de l’entrepreneuriat de dix semaines créé par la FYA et remis aux enseignants; ainsi, ces derniers n’ont pas à créer le contenu pédagogique, ce qui permet au projet d’être mis en oeuvre rapidement partout au pays. En outre, comme c’est un programme axé sur la pratique, les enfants ont la possibilité d’être créatifs et de réellement comprendre ce qu’est une entreprise. Ce programme entame sa troisième année et est déjà offert dans 15 % des écoles en Australie.

Le Royaume-Uni a emboîté le pas et a mis en oeuvre un programme similaire et gratuit appelé Fiver Challenge. Il s’agit d’un défi national destiné à tous les enfants de 5 à 11 ans et constituant une introduction interactive et amusante à la littéracie financière, à la résilience et au travail d’équipe pour les élèves du primaire. D’une durée d’un mois, le programme permet aux enfants de démarrer une mini-entreprise et de créer un produit ou un service qu’ils pourront vendre ou fournir avec un profit tout en interagissant avec leur collectivité locale.

Ces types de programmes sont évolutifs, adaptables et amusants. Ils résolvent la difficulté d’intégrer l’enseignement de l’entrepreneuriat au système scolaire et n’écrasent pas les enseignants sous le fardeau de la planification de nouveau contenu.

Quelques autres idées simples :

  • Avoir un « entrepreneur en résidence » dans les écoles.
  • Organiser des journées de perfectionnement professionnel pour que les enseignants approfondissent leurs connaissances des STIM et de l’entrepreneuriat.
  • Créer des espaces de création, des accélérateurs et des espaces de travail partagé conçus expressément pour les enfants, ou au moins veiller à ce que les espaces existants soient accueillants pour eux.
  • Encourager les entreprises en démarrage à créer des programmes d’ambassadeur et de mentorat afin de faciliter les liens entre les entrepreneurs chevronnés et les élèves.
  • Mettre en oeuvre des pratiques entrepreneuriales dans les cours en suivant une méthode d’apprentissage mixte.
  • Créer des clubs d’entrepreneuriat parascolaires (comparables à Enactus, mais pour les élèves du primaire et du secondaire).

Qu’en est-il de l’enseignement de l’entrepreneuriat au secondaire et aux niveaux supérieurs?

J’ai discuté avec un délégué de l’Inde qui m’a confié que son pays connaît actuellement une explosion démographique de jeunes : près des deux tiers des habitants ont moins de 35 ans et la moitié ont moins de 25 ans.  D’ici à 2020, l’Inde sera le plus jeune pays du monde, avec un âge médian de 29 ans. Pour cette raison, le gouvernement fait des pieds et des mains pour que les élèves acquièrent toutes les compétences nécessaires pour assurer un avenir prospère. De ce fait, l’État a massivement mis l’accent sur le secteur des STIM et sur la formation professionnelle. Il a mis en oeuvre un programme qui aide à couvrir la rémunération d’une personne occupant un emploi afin qu’elle puisse prendre congé pour suivre un programme de formation professionnelle. Une proportion importante de ce financement est versée à des jeunes issus de milieux défavorisés.

Dans le cadre des discussions avec des jeunes avant et pendant le Sommet annuel de l’Alliance des jeunes entrepreneurs du G20 on a constamment soulevé l’enjeu selon lequel l’entrepreneuriat est une discipline traditionnellement axée sur le monde des affaires.  Les étudiants ayant des antécédents en arts ou en sciences n’ont souvent pas l’occasion de suivre un cours d’entrepreneuriat comme matière optionnelle, et encore moins d’acquérir ces compétences dans le cadre de leur formation de base. Offrir des formations en entrepreneuriat sous forme de cours pluridisciplinaires pourrait être une solution.

À mon avis, on pourrait encourager la participation des étudiants en les renseignant au sujet des différents types d’entrepreneuriat.  Les jeunes de la génération Y ont un sens social et environnemental très aiguisé. Je crois qu’une meilleure connaissance de ce qu’est l’entrepreneuriat social susciterait un intérêt accru de la part des jeunes. Faire connaître des histoires extraordinaires au sujet de sociétés « B Corp » (qui s’engagent à promouvoir un modèle entrepreneurial engagé et responsable) telles que Textbooks for Change pourrait contribuer à inspirer la prochaine génération d’entrepreneurs engagés.

Voici quelques suggestions simples afin d’encourager l’entrepreneuriat auprès des étudiants universitaires :

  • Inclure l’enseignement de compétences spécialisées dans la formation (p. ex., accéder à des liquidités, les comprendre et les gérer, comprendre la bureaucratie).
  • Les mettre en relation avec des organismes de soutien tels que Futurpreneur ou la BDC et les aider à gérer le processus de recherche de financement.
  • Offrir un soutien psychologique adéquat; la plupart des entrepreneurs n’ayant pas de protection d’assurance maladie élargie, il est essentiel d’enseigner de saines habitudes de vie et d’en faire la promotion.
  • Offrir du microcrédit destiné expressément aux étudiants. Leur faciliter l’accès à du financement.

Et après l’université?

L’entrepreneuriat est un choix risqué. De nombreux nouveaux diplômés ne peuvent pas nécessairement prendre de gros risques au moment où ils quittent les bancs d’école, surtout s’ils ont des milliers de dollars de prêts étudiants à rembourser. En Nouvelle-Écosse, le gouvernement a créé un programme appelé Graduate to Opportunities. Ce programme aide à couvrir la rémunération d’un nouveau diplômé afin de lui permettre de travailler pour une petite entreprise ou un organisme à but non lucratif. Le problème avec ce programme, c’est que les diplômés sont très peu nombreux à en connaître l’existence. Faire croître le programme et le faire connaître pourraient assurément aider les jeunes diplômés à trouver leur place dans l’écosystème entrepreneurial.

Et bien entendu, je me dois de faire de la publicité pour ce programme fantastique qu’est Venture for Canada (VFC). Faire partie de la première mouture du programme de formation avec bourse a changé ma vie. VFC est un organisme à but non lucratif qui recrute, forme et soutient les meilleurs nouveaux diplômés afin qu’ils travaillent pour des entreprises en démarrage canadiennes à la recherche d’employés talentueux, avec pour mission de favoriser l’entrepreneuriat. Les boursiers passent deux ans à travailler pour une entreprise en démarrage partenaire, où ils acquièrent les compétences et l’expérience nécessaires pour lancer leur propre entreprise, en plus d’accéder à un réseau. Avis aux intéressés, les candidatures sont ouvertes en vue de la prochaine cohorte!

Selon EY, plus de 75 millions de jeunes dans le monde sont sans emploi, et 27 % d’entre eux souhaitent démarrer leur propre entreprise. L’entrepreneuriat peut contribuer à changer les choses de manière marquante. À mon avis, en favorisant des programmes de formation évolutifs destinés aux élèves du primaire et du secondaire, des activités d’apprentissage axées sur la pratique, des cours parascolaires, des formations professionnelles et du soutien aux diplômés, nos gouvernements régionaux et fédéraux ont le pouvoir d’induire une transformation remarquable de l’avenir de notre pays.

Quelques initiatives formidables dont j’ai appris l’existence :

  • Digital Innovative Creative Entrepreneurial (DICE)  http://www.dicekids.org/
  • Sommet mondial de l’innovation pour l’éducation (WISE), initiative de la Fondation du Qatar pour l’Éducation, la Science et le Développement des collectivités http://www.wise-qatar.org/